19 mai 2006
C. Questions pour un dircom (p 47 à 62)
C. Questions pour un
...dircom
Dans cette partie, nous aborderons quelques questions qui nous semblent prééminentes au vu des entretiens menés avec les dircoms. Nous avons relevé en particulier celles qui touchent à la démocratie et au besoin d’échanges.
L’énonciation d’internet : entre professionnalisation et traces de clichés
« Les TIC ne doivent être développées que si la communication traditionnelle joue aussi son rôle. Et je n’imagine pas communiquer sans internet ».
Les dircoms ne sont pas victimes du « culte d’internet » dénoncé par Philippe Breton[1] ! Le risque, si risque il y a, n’est pas de ce côté du paradigme communicationnel. En effet, la tendance serait plutôt à réaffirmer la « juste place » d’internet quand le dircom ne conclut pas un entretien en précisant « et n’oubliez pas de préciser qu’internet n’est qu’un outil dans lequel on ne doit pas se laisser enfermer ». Le même dircom considère que « les TIC sont un moyen d’arroser, le papier devient très cher ».
A propos du terme outil cité plusieurs fois par les dircoms, nous pouvons considérer le sens que ces derniers y donnent comme assez réducteur. Or les outils sont une des grandes caractéristiques de l’espèce humaine et certains d’entre eux ont eu un rôle très particulier. La machine à vapeur a permis la création des fabriques, puis des usines et donc l’émergence par conséquence de la classe ouvrière, transformant les rapports sociaux de ce siècle plus vite que dans tous les précédents.
A notre échelle, internet percute une histoire de la communication territoriale, faite de vagues successives empreintes d’amateurisme, de militantisme, puis journalistiques, publicitaires, organisationnelles, managériales, et enfin marquées par des stratégies de solidarité, de participation, de mobilisations internes et externes. Le changement des messages et des discours territoriaux a aussi été vécu à l’aune de l’arrivée d’internet. Pendant tout ce temps les dircoms n’ont eu de cesse de séparer les discours militants, institutionnels et de marketing territorial.
Internet offrant une possibilité de devenir un « immense bazar », des craintes ont pu légitimement s’exprimer pour des professionnels ayant vécu quelques périodes antérieures et « l’intégration du numérique, dans notre métier c’est un petit peu de fantasme et beaucoup de réalité ». Parfois, l’histoire d’internet est très récente explique un dircom d’une collectivité de 25 000 habitants : « En 2001, j’ai mis en place le principe d’utiliser l’internet. La direction de la communication n’avait même pas de connexion internet. La création du site faisait partie des raisons de mon embauche. Il a mis trois ans pour sortir. Une année d’arrivée, une année pour travailler le projet, 6 mois pour convaincre, 6 mois pour le mettre en place ».
La pression politique s’est exercée entre la volonté d’engouffrement dans un nouveau média pour parler aux citoyens et le désintérêt pour un « gadget de communicants ».
Média, médiatisation, médiation.
Internet est-il (seulement) un nouveau média ou est-il aussi un nouveau support pour des créateurs de médiation ? Le dircom doit-il donc être seulement un homme de médias ? Et quelle place à la médiation au sein des stratégies de communication ?
- Le bouleversement provient du fait que le dircom n’est plus en surplomb d’un discours institutionnel, légitimant, voire anoblissant la fonction. Nous sommes de plein pied dans la médiation entre les différents énonciateurs du territoire, dont l’institution n’est qu’un d’entre eux (important certes). Le dircom devient animateur d’espace public, entre dans la mêlée, construit une parole partagée. C’est plus périlleux mais aussi riche d’ouvertures nouvelles. Internet devient alors autre chose qu’un simple « outil supplémentaire ou complémentaire ».
Les dircoms ont été formés à une logique épistémologique, renforcée par des pratiques journalistiques. La période d’internet ouvre sur des expériences nouvelles où la praxis devient une des clés de la communication publique en quête de démocratie.
- Or, une tendance du web territorial est à la reconstruction d’une information en silos (pourtant fortement dénoncés par ailleurs), et justifiée car « nous agissons dans des contraintes extérieures à nous ». Le rapport au temps est aussi évoqué en même temps que le rappel du premier métier pour certains car « tout va trop vite, quand contrôle-t-on les infos ? Avant j’étais journaliste, on prenait le temps de vérifier ».
Les entretiens confirment de la part des dircoms une certaine réticence à penser qu’internet peut créer de la relation interpersonnelle, de la médiation. Ils restent plutôt sur une culture marquée de l’éditorial, voire du marketing territorial. Cela vient-il de la perception qu’ils ont de l’outil, ou bien de la conception qu’ils ont de la place et du rôle de l’institution ?
Cette tendance est confirmée par la faible information disponible auprès d’eux pour tout ce qui touche au feed-back (référencement, statistiques, veille). Il est remarquable qu’aucun dircom interrogé ne dispose d’une étude d’usage, ni d’un tableau de suivi des principaux indicateurs de fréquentation du site.
Il semble difficile dans ces conditions de savoir sur quels critères s’appuient les dircoms pour déterminer leurs priorités d’action sur leur site.
Cependant, l’utilisation du net comme média de diffusion est envisagée en parallèle car « la presse papier va durer avec une visibilité assurée à 3-4 ans. Il y aura sans doute avec l’amélioration du débit sur le Web des applications intéressantes tel que le multimédia, la TV. »
D’autant que les dircoms pensent majoritairement que la collectivité n’a pas vocation à se substituer à d’autres acteurs par des offres d’adresses de courriel ou de création de sites car « il n’est pas sûr que le rôle de la ville soit de faire des offres Internet. Ce n’est pas l’outil qui manque mais le conseil. Laissons faire les associations ; les créations de sites sont gratuites. C’est aller à contresens de ce qu’est le Web ».
- Les mêmes interrogations se posent sur la mise en réseau des acteurs locaux. Les réponses diffèrent entre des sites offrant services et hébergement aux associations (mais vérifiant toujours le contenu éditorial), et des collectivités préférant …ne rien faire ou s’orienter plutôt vers de l’appui au travers de maisons des associations ou d’espaces publics numériques. Les expériences d’annuaires des associations au-delà de l’échelon communal sont en échec. A l’image de ce conseil général qui a fait une « tentative de mise en réseau des clubs de sports, avec la maison départementale des sports. Cela n’a pas fonctionné pour des raisons de moyens ». Est-ce seulement une raison de moyen ? Quelle était l’objectif de cette mise en réseau, pour quelle réponse à quels besoins ? A-t-on évalué la pertinence de ce niveau territorial pour ce réseau particulier ?
Surtout que « l’outil privilégié du lien social, c’est l’humain, pas internet. Dans les quartiers nord, j’ai découvert la banlieue, ses cercles concentriques. Il faut aller pousser la porte des gens», mais comme dans le cercle de craie caucasien[2], la terre appartient à ceux qui la cultivent, et les jeunes en particulier n’attendent pas pour franchir le cercle et énoncer une parole sur internet.
Dans ce département rural, internet est bien défini comme « un des outils de communication les plus réactifs. Et je préfère raisonner par rapport à notre politique de communication qui est plus informative qu’interactive ; donc le site en est le reflet. Le conseil général est plus une addition d’invididualités qu’un territoire » mais « Internet n’a pas rapproché le CG du citoyen, contrairement au magazine. Tout le monde n’a pas internet. Les gens sont plus intéressés par d’autres sites que par les sites institutionnels d’information », par contre une initiative de site avec tous les collèges est lancée qui « a pour ambition d’être, pour les collégiens, un support d’information de proximité, d’échange de sensibilisation à la citoyenneté, mais aussi un outil "d’éducation au web", média qui sera demain la 1ère source d’information de cette génération ».
En contrepoint, si « le conseil général est très peu producteur de services, je ne sais pas si d’autres départements sont plus performants ». Cependant « les gens veulent du service en ligne ».
L’exemple des blogs est de ce point de vue intéressant. Les élus ou leurs collaborateurs ont parfois une idée sur les blogs qui ont fleuri dans le prolongement de quelques hommes politiques très médiatiques, mais « le blog, il faut quelqu’un à temps complet qui se glisse dans la peau du maire. Sur B..., on a déjà un téléphone direct pour le maire » et « dans le canton de V…un mois après le lancement en fanfare du blog il n’y a plus rien à jour. Et ça n’intéresse personne de toute façon. Et qui s’exprime ? La fonction ou la personne ? L’institution ou le parti ? ».
A noter qu’une ville d’Alsace, Pfastatt, a renoncé au site pour n’utiliser que des blogs pour sa communication.
Or, pendant les évènements des banlieues de fin 2005, 1 800 blogs ont été créés par des jeunes à ce sujet… en étant ignorés de la plus grande partie des services de communication des villes (mais pas de la gendarmerie nationale). L’habitant maîtrise l’outil et une interrelation extrêmement rapide se met en œuvre, une parole de banlieue prend place en quelques jours, loin du silence comme du repli violent.
Que fallait-il faire ? Sans apporter de réponse précise, nous pouvons penser utile de questionner plus avant la culture informationnelle de la population qui nous renvoie des discours au travers de moyens nouveaux à forte identité et contenus éditoriaux (Blogs, podcasting[3],…). Une réalité pluri-médiatique développe les relations interpersonnelles, percute frontalement, ou par des chemins de traverse les logiques institutionnelles, l’autorité et la légitimité du discours des dircoms.
A notre connaissance, aucun comité de pilotage internet, associant institution et usagers, n’a encore été mis en place. Pourtant les dircoms valorisent l’apport d’internet pour le lien social. S’agit-il de l’énoncé de ce qui se passe ou bien de ce qui serait souhaitable ?
Pourtant, il ne se fait pas rien ! Mais il s’agit ici plus d’être dans le rôle de poil à gratter, donc…
D’ailleurs des expérimentations sont menées qui sans être reprises dans cette étude pourraient fort utilement ouvrir à des échanges (opération « tout Rennes blogue[4] », consultation cartographiée à Ivry[5], le wiki[6] « écrits publics » de Brest[7],...), et donner lieu à publication dans les revues destinées aux dircoms, et pas seulement dans celles concernant internet comme c’est souvent le cas.
Penser ou faire penser la communication numérique ?
Une pensée théorique des dispositifs numériques se construit du côté des chercheurs, mais en parallèle, souvent loin des dircoms. La non rencontre entre les deux mondes affaiblit la réflexion de la profession et laisse des prestataires occuper pour partie ce terrain, en particulier au travers de multiples colloques, formations, forums faisant largement appel à la recherche universitaire en info com.
- Le numérique impose-t-il sa raison ? Les dircoms sont-ils entrés en résistance contre un système de principes qui règlemente à priori la pensée ? Cette « raison numérique[8] » tisse un nouveau lien en imprégnant l’altérité, le collectif et la réciprocité des pratiques mises en œuvre. Elle leur impose de nouvelles temporalités, privilégie la science de l’expert et la rigueur de la procédure. Elle requiert des compétences spécifiques des utilisateurs. N’est-ce pas aussi vers une aspiration à une pause dans la course au déploiement des TIC que s’orientent les dircoms qui affirment vouloir recentrer leur site sur les missions premières de leur institution ?
Et ils ont aussi à l’esprit une société plus précaire dans laquelle ils souhaitent instaurer de la stabilité, alors qu’internet a souvent été perçu par leur génération comme déstabilisant.
- Au sortir de la période pionnière des premiers sites, reste-t-il pour les dircoms beaucoup d’espace de liberté et de créativité dans le cadre institutionnel ? Et la vocation d’un site internet de collectivité peut-elle être de traiter l’actualité autre que celle de l’institution ? Si les publications papiers empruntent les genres de la presse écrite (portraits, focus, dossier, ..), les sites institutionnels reprennent de plus en plus les standards du web également, sans pour autant marcher sur le terrain de la presse locale.
Les sites sont souvent plus consensuels que les publications papier, car « le site peut être vu de l’extérieur ». La difficulté éditoriale est alors compensée par une offre de services plus importante, répondant aussi à des attentes réelles des usagers.
Nous pouvons arriver au paradoxe d’un citoyen de plus en plus traité comme un usager, voire en simple consommateur de services (publics ?), alors qu’internet promettait l’arrivée d’une nouvelle ère de citoyenneté comme allant de soi.
Les enjeux semblent suffisamment importants pour ne pas « déléguer aux seuls webmestres tout ce qui concerne internet ». Les dircoms ont un rôle essentiel à jouer en interne comme en externe pour permettre au citoyen d’investir internet en tant que sujet, objet et partenaire de la communication publique.
Vers un recentrage sur l’information ?
Plusieurs directeurs de communication en font un axe majeur de leur action sur le web, voire de leur réaction après quelques années de développement jugé quelque peu anarchique avec comme ligne de « refondre l’information institutionnelle et de tout remettre à jour, et de ne pas chercher à faire la banque de données régionale, la banque numérique du savoir de la région. Notre job, c’est d’avoir sur trois axes : une mise à jour régulière avec mise en place de correspondants internes, une information sur l’actualité produite par la collectivité, être au service des directions, avec un site portail et des rubriques (plus de sites multiples) ». Le grand retour de la clarté et de la simplicité comme valeur essentielle de la communication publique s’exprime quand un dircom affirme désire « avoir un site qui parle à tout le monde, que les infos sur la recherche ne soient pas compréhensibles que par les chercheurs du CNRS. J’ai avancé doucement, informé verbalement, et on progresse sur des bases très simples ».
- Ces priorités semblent particulièrement fortes en régions. Elles le sont moins dans les villes et les communautés. En fait, la visibilité de l’institution régionale reste une question majeure de la communication en général, car « Aujourd’hui, nous sommes face à un énorme enjeu d’information simple et complet sur notre activité, pour revendiquer une politique qui n’est perceptible qu’au deuxième ou troisième degré par les citoyens. Ensuite, on pourra entrer dans du plus sophistiqué, par exemple, plein de choses à inventer sur les transports ». Ce qui explique aussi un autre objectif cité « d’affirmer la région comme une marque ». Cette démarche juste, à priori, mériterait cependant d’être confrontée à d’autres expériences qui, utilisant les capacités médiatiques d’internet, favoriseraient peut-être une meilleure reconnaissance du rôle de l’institution. Par exemple, les citoyens vont-ils s’intéresser aux informations régionales sur les transports s’ils n’utilisent que les sites de la SNCF, de la RATP ou des sociétés de cars, pour se renseigner sur leurs déplacements ? Ce pourrait être d’ailleurs un sujet intéressant d’initiative : « quelle offre internet régionale pour répondre aux besoins d’informations et de services sur les transports ? »
- Pour les dircoms, deux valeurs essentielles à leurs yeux sont prioritaire sur internet et grâce à internet : la transparence et la clarté. La transparence de l’institution se traduit, pour beaucoup de dircoms, bien mieux grâce à internet. La clarté est une condition indispensable à toute parole prétendant à un mieux disant démocratique.
Quelles cibles pour les sites ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, très peu de sites identifient leurs cibles. Quelques uns ont mis en place un accès par profil, qui est une forme intéressante de réponse dont il faudrait tirer des enseignements par des enquêtes d’usages. Pourtant, chaque collectivité à des besoins très particuliers de relations avec les citoyens (en général, mais aussi par segmentation de centres d’intérêts), les relais associatifs, les relais institutionnels, les réseaux de partenaires parfois très importants, etc.). Or cette situation a aussi conduit souvent à une multiplication de sites, voire à des initiatives hasardeuses comme la mise en place d’un fichier public des fonctionnaires des aides à domicile par le service concerné, qui a confondu internet et extranet !
- L’absence de cible, mais aussi le risque de « tirer » à côté quand un dircom affirme qu’ « il y a une cible à priori plutôt privilégiée socialement (ouverte à l’informatique), et par exemple ce n’est pas la peine de mettre en téléchargement les demandes de RMI. », alors qu’au contraire la CAF met ce formulaire en téléchargement à destination des RMIstes, mais aussi de tous les intervenants qui peuvent en avoir besoin (EPN, travailleurs sociaux,..). Reste la question de savoir s’il est nécessaire qu’une collectivité locale mette en ligne le formulaire alors que la CAF le fait déjà ? Ou bien qu’elle renvoie par un lien ?
Les contraintes économiques peuvent en apparence favoriser le développement de l’internet territorial car « les TIC sont un moyen d’arroser, de mettre en lien les gens d’un territoire. Le papier devient très cher ». Mais en fait une surenchère d’information numérique à moindre coût risque d’asphyxier la relation médiatique avec les citoyens. Surtout, si en même temps « je ne connais pas le taux d’équipement des ménages à P…Ca doit être pas mal, il y a beaucoup d’étudiants ».
Un dircom seulement a évoqué le besoin de « stimuler les TIC dans les PME/PMI sous cultivées dans ce domaine ».
- Le marketing territorial s’exprime plus en terme d’objectifs, y compris par l’affirmation d’aller « vers la notion de produit » ou quand « le site de l’office du tourisme va être externalisé pour avoir une offre de produits, du packaging, des services ».
Les cibles sont aussi « nos usagers qui sont plus des relais d’opinions, qui utilisent nos politiques et nos financements pour agir (15 000 connexions/mois) et le site est devenu un sous-message de notre communication (pour en savoir plus, www.conseilgeneral.fr) ». En fait, le site sert parfois à rendre accessibles des compléments d’information en direction de cibles professionnelles, ou bien en direction du grand public sur un sujet donné.
Une autre expérience montre les dérives possibles : « Au départ, nous avons eu une chargée de mission NTIC, mais cette expertise n’est plus utilisée par manque de temps. On n’arrive pas à répondre aux demandes internes et cela crée des problèmes. Par exemple, le DSI a fait un site sur les assistantes maternelles, avec une base de données. Le service avait demandé un outil de travail pour les services décentralisés du social (extranet). Mais, à l’arrivée, problème de communication, problèmes ergonomiques, problèmes juridiques ».
En fait très souvent la construction d’internet en « millefeuilles » a empêché de bien identifier ce qui relève du grand public, des relais d’opinion, ou des réseaux professionnels. Une même information (dans une forme identique ou adaptée) pouvant concerner différentes cibles.
La réflexion à ce propos donne alors sens aux mots internet, intranet ou extranet et au rôle essentiel d’architecte de la pensée institutionnelle pour le dircom.
Aller vers des sites portail , et l’idée d’un site portail couvrant déjà « seulement » et correctement le champ des missions de l’institution semble s’imposer, avec des nuances cependant quand «on a cherché à avoir un site sur les compétences de la mairie. A partir de ces cœurs de métiers, on expose les acteurs locaux. Tout individu en recherche pourra trouver réponse à partir du site de la ville». C’est l’individu habitant le territoire qui est ciblé, pas la nature de la recherche. Est-on dans une démarche marketing ?Si beaucoup s’accordent sur l’objectif du site portail, le point de vue est « légèrement » différent à propos de savoir qui en est le dépositaire. Après avoir lâché « qu’ils (la communauté) ont piqué nos infos », pour ce dircom de ville « c’est la ville naturellement qui doit être le portail pour l’habitant », mais « c’est un faux problème » pour le dircom de la communauté d’agglomération. Quant au dircom du conseil général, il semble résigné à l’idée que de toutes façons l’internaute « n’ira pas sur son site ». Ce qui n’est pas tout à fait vrai puisque par exemple le « guide des maisons de retraites a été téléchargé 1 200 fois en quelques semaines ».
L’administration électronique a besoin de communication !
La fracture numérique est d’abord une fracture sociale et culturelle. Comme le constate un consultant, nous assistons à une « dilution des institutions sur la toile, pour les jeunes en particulier. Comment s’y retrouver, où chercher ? D’où la première mission d’un dircom : la pédagogie sur l’usage de l’administration électronique ».
La déclaration des associations d’élus[9] invite d’ailleurs la communication à occuper une place de médiation entre les organismes d’Etat chargés de l’administration électronique et les collectivités, en particulier pour différencier ce qui relève des services aux citoyens à rendre accessibles au plus grand nombre, ce qui dépend des choix politiques de mise en œuvre de la réforme de l’Etat.
¨ Mais la place des dircoms n’est pas toujours « prévue par la boîte qui fait l’étude, juste en tant que pilote associé. Je ne me sens pas compétent pour piloter ce projet. Des sociétés vont nous proposer de nouveaux produits. Nous, on définit le plan de communication pour accompagner ces projets, c’est la condition de leur réussite ». La notion de groupes de pilotages associant la com est néanmoins de plus en plus évoquée car les DGS comme les DSI[10] pourraient donner avec plus de communication une lisibilité et une cohérence plus grande à l’administration électronique. Cette évolution est renforcée par le besoin de clarifier les portes d’entrées numériques vers les services aux usagers.
La communication doit aussi aider à répondre aux attentes des agents des collectivités. Dans l’étude de LH2 de fin 2005[11], ils sont, dans une grande majorité, d’accord (plus de 80%) pour penser que l’administration électronique améliore l’image de l’administration française, permet un gain de temps et facilite le travail des fonctionnaires. Mais ils sont aussi largement d’accord (60%) pour dire qu’ils ne se sentent pas suffisamment informés sur l’administration électronique et ses services. Seuls 38% d’entre eux sont capables de citer un service permettant d’une part de rendre service aux usagers et d’autre part de faciliter leur propre travail.
L’usager remplace le citoyen, voire le citadin remplace le citoyen.
De plus en plus l’offre de services en lien avec l’Etat permet d’asseoir une légitimité institutionnelle. Car peu de sites permettent le débat et l’échange. La relation prend essentiellement la forme informative du haut vers le bas. Le bas ayant cependant plus de facilité à questionner le haut grâce à internet.
L’administration en ligne a tendance à « effacer le citoyen ». Les discours dominants sont désormais plus centrés sur l’administration électronique que sur la recherche de citoyenneté. Il faut reconnaître que le marché de la première peut être lucratif : congrès, forums, publications, missions nationales et européennes,… font florès.
Sans nier l’intérêt réel de ce développement, les communicants peuvent légitimement contribuer à remettre plus en phase la communication numérique des territoires avec les énonciations politiques sur la démocratie.
¨ Les espaces publics numériques peuvent être de formidables lieux d’appropriation par les populations. Conçus initialement pour offrir une connexion internet et un ordinateur au plus grand nombre, ils voient aujourd’hui leur rôle évoluer. En effet, si la question de l’accès existe encore mais dans une moindre mesure, ces lieux sont avant tout des lieux de socialisation, de médiation des savoirs, d’accès non pas seulement à internet, mais à des constructions sociales, à des projets de vie individuels et collectifs. Ces espaces fonctionnent d’ailleurs largement autant dans les villes à fort taux de connexion internet des foyers, que dans celles à faible taux. Si la recherche d’emploi est souvent un élément fédérateur, d’autres initiatives associatives ou non se sont multipliées : musique, lecture, ateliers d’écriture, journaux de quartiers,... Les directions de communication ont sans doute à apporter du professionnalisme pour aider à la réussite de cette multitude de projets et d’initiatives.
¨ La mise en place de politiques TIC est très variable. Entre des départements ou des régions qui mettent en place des plateformes technologiques pour offrir des sites clés en mains sur leur territoire aux autres collectivités locales, et ce département rural où « la proposition de sites doit tenir compte de la culture locale. Chez nous c’est voué à l’échec. L’intercommunalité prend la main », les situations sont très diverses. A noter cependant l’intérêt des initiatives de conseils généraux autour de « Maisons du département » ou de « Points d’accueil des services publics » qui utilisent largement internet et la médiation d’un agent pour permettre à des populations rurales d’accéder aux services publics et aux organismes sociaux.
La démocratie peut-elle se dire locale et électronique ?
La recherche d’un mieux disant démocratique est constante, et internet est un des champs explorés pour y contribuer. La confiance dans l’institution peut-elle être renforcée avec internet ? La crainte existe de savoir « où va se faire le dialogue démocratique s’il ne se fait pas sur les sites des institutions publiques ? » et si « pour l’instant, on voit clair sur les TIC comme outil d’info », les questionnements apparaissent très vite au-delà.
Les retours d’expériences sont variés. Certains ont même favorisé la création de sites de quartiers mais « s’il y a eu beaucoup d’appétit pour la création de sites Web. Ils sont mort-nés par manque d’actualisation ».
La quête porte sur les quatre niveaux de la démocratie locale : information, consultation, concertation, participation.
¨ Le renforcement de l’information disponible pour les citoyens est une condition première de la démocratie et ne fait pas débat. Internet apparaît comme un moyen essentiel aujourd’hui pour y contribuer et lever l’interrogation : « quelle est la légitimité des sites institutionnels pour un débat démocratique ? ».
Le professionnalisme des dircoms peut fortement contribuer à franchir des étapes décisives en clarifiant les objectifs et les enjeux : « Le Web est intéressant pour la présentation de projets et la remontée d’avis. Aujourd’hui, je suis absolument convaincu que l’on peut améliorer les projets par la démocratie locale. Mais il faut fixer la règle du jeu sur ce qui est en débat et sur ce qui ne l’est pas ».
Le terme « e-démocratie » laisse parfois songeur : « c’est certainement du gadget, mais il se fait des trucs. Je suis plutôt favorable sur le principe, parce qu’il faut toujours exploiter ce qui peut contribuer à la démocratie ». La majorité des dircoms ne souhaite pas se laisser enfermer dans l’ « e-quelque chose », et surtout veut éviter une vision réductrice de la démocratie. Il faut distinguer la démocratie en elle-même et les « e-outils » pouvant y contribuer.
La question des langages et du sens des concepts numériques renvoie au besoin de culture numérique. Par exemple à la question de savoir « comment pensez-vous animer un travail collaboratif pour des projets ? », la réponse « vous parlez des forums ? Je m’en méfie » interroge aussi bien le questionneur que le répondant sur la façon de se comprendre.
¨ La consultation donne l’idée d’utiliser les TIC pour l’accompagner, et en particulier pour préparer la décision. Cette démarche de consultations semble assez partagée quand elles viennent « en appui et en complément d’une démarche de terrain. Rien ne remplace le contact. Mais commencer à amorcer, à donner accès à des informations, pour préparer, c’est un outil intéressant ».
Une remarque particulièrement intéressante est venue pour évoquer un frein à la mise en place de consultations en ligne « qu’il faudrait faire. Mais le Maire a besoin de se faire connaître. Il a peur, s’il développe trop les initiatives sur le web, de passer pour quelqu’un qui fuit le contact ». La question inverse pourrait être posée : en refusant les consultations en ligne, le maire a-t-il peur des résultats ? Et que vont penser les jeunes de lui par exemple ?
Et si tout simplement il s’agissait déjà de contribuer à favoriser le lien social comme le souligne par un exemple ce dircom qui « aime bien ce que fait Rennes, tout Rennes blogue. Essayer de faire qu’une population puisse se rencontrer mieux. Il n’y a pas encore cette culture sur notre territoire, mais ça va avancer ».
Sans s’y opposer, la vision est parfois plus pragmatique « car pour le moment l’aspect de réduire le temps de réaction de l’administration est aussi important que la démocratie, une vitrine sans la culture qui va avec. Les gens ont l’illusion qu’ils s’expriment. Mais quand un courrier arrive, le circuit interne est de 10 jours minimum pour une réponse ».
¨ La concertation et la participation sont les formes les moins visitées par la communication numérique locale, et très peu évoquées par les dircoms.
Internet renforce aussi, par l’instantanéité qu’il porte, et les frontières dont il se joue, les questionnements sur le paradigme local de la démocratie et ses limites. Pourquoi n’interroge-t-on pas plus internet pour questionner la démocratie en général ? Les dircoms des collectivités locales sont sans aucun doute confrontés à une pression qui dépasse le cadre du local et ses limites. Nous pouvons aussi nous interroger sur le risque de voir le culte du local contribuer à son corps défendant (ou en conscience) à la dépolitisation de la société. Pourtant le local peut aussi répondre à une attente de reconquête citoyenne : comment internet peut-il alors mieux porter l’articulation avec les enjeux plus généraux ?
En fait, internet invite à revisiter les formes communicationnelles de la démocratie, en particulier parce que les catégories de l’usager, de l’habitant et du citoyen cœxistent derrière l’écran. Leur interactivité est renforcée par les possibilités d’internet. En parallèle, la pression est forte de la part des élus pour que la com crée de la relation (quel qu’en soit l’objet, du moment que le sujet entre en relation). Comme si la démocratie locale, et par extension celle utilisant les moyens numériques, était sans présupposés sociaux et culturels. Internet porte aussi une symbolique de la transparence.
A contrario, quand « ça ne marche pas », c’est « parce qu’internet ne marche pas ». C’est moins angoissant que d’avoir une démocratie qui ne marche pas !
Des relations presse peu visibles
De façon assez surprenante, elles sont très faiblement présentes sur les sites. Parfois, dans de grandes métropoles, on trouve un espace presse avec les communiqués, encore plus rarement des dossiers de presse et la possibilité de recevoir des informations ou une lettre d’information pour les journalistes. Le site n’est donc pas utilisé pour animer les relations presse en général.
L’organisation de la presse locale explique pour partie ce phénomène avec un seul -ou quelques- journaliste qui « est sur l’actualité, avec des relations interpersonnelles. Le site vient juste en complément d’information. Il demande des fax car il est assailli de mails » et de plus il y a un tel « découpage du travail dans les rédactions, avec beaucoup de pigistes » que le courriel n’apparaît pas sûr. Ce constat a pu être confirmé par la rencontre du rédacteur en chef du quotidien régional correspondant qui constate être « inondé de mails qui arrivent de façon brouillonne à beaucoup de personnes. L’information arrive de l’institution, mais on ne sait pas toujours qui est l’émetteur » et l’utilisation du site semble très faible, sauf pour « vérifier un nom, une info », car « ce qui nous intéresse c’est l’actualité et cela passe plus par un coup de fil ».
Si l’histoire de relations presse très locales, avec un nombre parfois restreint de journalistes, peut en partie expliquer une telle situation, il est sans doute à réfléchir comment mieux utiliser internet pour des relations presse. Ne peut-on imaginer que des journalistes, autres que ceux du journal local, de la presse nationale française ou étrangère, s’intéressent au territoire concerné ? Qu’ils pourraient aussi contribuer à la promotion dudit territoire en retrouvant sur le site les outils de travail auxquels ils sont habitués par ailleurs ? Enfin, la multiplication des courriels en leur direction mérite sans doute un examen attentif.
La gestion des courriels est centrale
Sur un plan plus pragmatique à priori, la question des courriels est devenue majeure pour les dircoms. Ils ont à gérer leurs mails « personnels » et ceux adressés à l’institution.
¨ Pour la première catégorie, la généralisation des adresses de courriel nominatives (prenom.nom@institution.fr) pose la question du mélange des courriels adressés au dircom dans le cadre d’une relation connue avec l’expéditeur, avec ceux adressés de façon générique au directeur de communication. Cela conduit inévitablement à une surcharge, et pour finir, à ce constat : « Je passe trois heures par jour sur mes mails. Je les vois tous, mais je ne les retiens pas tous et le revendique». Cette gestion des mails est assez peu prise en compte, et aucune collectivité interrogée n’a encore mis en place une gestion des courriels et de leur sauvegarde. Des prestataires en ont par exemple fait leur métier tellement cette question devient essentielle en termes d’organisation du travail et de sécurisation des informations contenues dans ces courriels (on estime qu’aujourd’hui les courriels peuvent représenter jusqu’à 40% des actifs de connaissances d’une entreprise, avec tous les risques liés à leur perte et à leur confidentialité.
¨ Pour les courriels adressés à l’institution, il serait intéressant d’étudier ce point de façon spécifique et de confronter les démarches. Ils posent d’une façon générale la question du rapport au temps. Une demande par courriel est très souvent exprimée dans l’immédiateté, voire sur un coup de colère, et attend une réponse dans un délai qui s’exprime en heures. C’est impossible évidemment, surtout quand les demandent nécessitent d’interroger des services municipaux ou même d’autres institutions. Beaucoup de demandes convergent vers la commune par exemple, par internet comme par les autres canaux.
La gestion est très variable, en fonction des moyens disponibles et des collectivités. Gestion par le dircom en personne « pour m’assurer de la qualité des réponses », ou délégation dans les services « qui ont à charge de donner une suite à l’usager ». Certains se sont engagés dans une charte qualité avec engagement sur les délais à 48 heures. L’importance de cet aspect est cependant perçue massivement, en effet « les gens sollicitent de plus en plus par mail. Un des premiers critères d’appréciation de la qualité des sites publics, c’est la réponse aux mails. On a mis en place un système d’accusé de réception avec réponse sur le traitement de la demande (C’est moi qui traite) ». Cependant (sauf si les dircoms peuvent répondre personnellement à tous les courriels) il nou
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